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22 juin 2011

La gauche sans le Peuple n’est pas la gauche

Au cas où l’idée n’aurait pas déjà effleuré les socialistes, la Fondation Terra Nova vient de publier un rapport intitulé « Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ». Il s’agit, rien de moins, de déterminer pour le PS la cible électorale qu’il lui faudra conquérir pour l’emporter lors de la prochaine présidentielle. Candidats à la primaire, à vos stylos pour noter la « formule gagnante » !

Le rapport s’appuie d’abord, reconnaissons-le, sur un constat indiscutable : la social-démocratie est bel et bien confrontée à une double crise, idéologique et, surtout, sociologique. En France, cela se traduit notamment par l’effondrement de la « coalition historique » construite autour de la classe ouvrière, sur laquelle la gauche pouvait jusque-là s’appuyer. Ces dernières années, ouvriers et employés se sont effectivement massivement détournés de la gauche en général et du PS en particulier. C’est on ne peut plus exact.

Terra Nova en déduit donc que le clivage de classes est obsolète et le nouveau clivage fondateur entre gauche et droite se situe sur le terrain des valeurs. Tandis que la gauche se convertirait au libéralisme culturel, le reste de la société, concentré sur ses basses préoccupations matérialistes, se replierait sur lui-même. Ce présupposé discutable conduit le rapport sur des chemins de traverses qui n’aboutissent finalement nulle part.

Car, une fois ce constat posé, il fallait encore imaginer LE plan de bataille, LA stratégie gagnante pour le PS. Et là que lit-on ? Que pour gagner, le Parti socialiste a besoin d’une nouvelle coalition : « la France de demain ». Certes, mais cette coalition, qui la compose alors ?

Exit ouvriers et employés, la « France de demain » sera celle des diplômés, des jeunes, des minorités et des quartiers populaires et des femmes. Ce n’est pas encore un inventaire à la Prévert, mais cela y ressemble tout de même un peu. Cette France de demain serait celle des « outsiders », c'est-à-dire ceux que la société sacrifie au profit des « insiders », ces privilégiés qui ont, eux, un travail. Des privilégiés dont font d’ailleurs apparemment partie – et ils seront contents de l’apprendre – les ouvriers et les employés puisqu’ils n’entrent pas dans la catégorie des « outsiders » !

Même en admettant que je suive le raisonnement proposé, je ne pourrais pas m’empêcher de remarquer que le rapport lui-même indique que cette nouvelle coalition incontournable pour la gauche est en pleine progression électorale, mais aussi qu’elle n’est pas actuellement majoritaire, et qu’il faudra lutter contre son abstention structurelle (pour les jeunes notamment) ! De même, je ne parviens pas à comprendre comment des seniors dont on sait qu’ils votent très majoritairement à droite voteront à l’avenir « de plus en plus à gauche ».

Mais, en fin de compte, ce qui m’interpelle et me chagrine le plus à propos de cette nouvelle coalition, ce ne sont pas ceux que le rapport y intègre ; ce sont surtout ceux qu’il en exclut. Sûrement suis-je en train d’écrire une grossièreté, définitivement dois-je être considéré comme un « archéo » mais, ma conviction de gauche est faite et je n’en changerai pas : pour moi, la victoire de la gauche ne peut pas se réaliser sans le Peuple, c'est-à-dire sans les ouvriers, sans les employés, sans les classes moyennes.

La gauche, ce sont des valeurs, mais c’est aussi un rapport à l’égalité et à la justice sociale qu’on ne peut pas balayer d’un revers de main au prétexte qu’une addition de minorités fera un jour prochain une majorité ! Je ne me résoudrai jamais à accepter que la stratégie électorale du PS consiste à s’accommoder de la défection des classes populaires dont je suis issu. Ce serait un non-sens historique.

La gauche doit, au contraire, reconstruire une relation étroite avec des segments de la société française qui lui ont, par sa faute, tourné le dos. Elle a fait en 2002 l’amère expérience de ce divorce. Ne reproduisons pas les erreurs du passé. La gauche sans le peuple n’est plus la gauche. Qu’elle ne l’oublie pas pour 2012 !

Claude Bérit-Débat / Sénateur de la Dordogne


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