"BIS REPETITA…"

L’histoire ne se répète pas mais il arrive qu’elle bégaie. En ce moment, il y a toutes les raisons d’être frappé par les arguments employés pour freiner la progression régulière de François Hollande dans l’opinion des Français. Ils sont utilisés logiquement par la droite, mais aussi distillés par des socialistes peu amicaux. Trente ans après, ils ressemblent étrangement, au moins en partie, à ceux utilisés contre François Mitterrand, toujours par la droite mais déjà par certains de ses camarades du Parti Socialiste. Il les ignorait et avait bien raison.

De François Hollande, on entend dire : « il ne sait pas trancher ». De François Mitterrand on disait : « C’est le spécialiste du flou artistique. C’est un florentin ». Pourtant, il avait fait adopter en 1980, un projet socialiste comme aujourd’hui. Il n’empêche : on lui collait cette étiquette sur le dos.

De François Hollande, on dit : « Il n’a jamais été ministre », sous la Cinquième République bien sûr. De François Mitterrand, on répétait : « Il a été ministre trop souvent », sous la Quatrième République, évidemment. On précisait même : onze fois, ce qui rendait invraisemblable son accession à la Présidence de la République. On ajoutait : en plus, il ne connait rien à l’économie. Là, il a fallu rentrer l’argument : le Premier Ministre de l’époque, Raymond Barre, avait été présenté comme le meilleur économiste. Compte tenu des résultats, il devenait difficile d’insister. Sur ce point, François Hollande est crédité de savoir-faire. C’est au moins ça de pris !

De François Hollande, on dit : « Il a laissé le Parti Socialiste dans un mauvais état ». La Première Secrétaire a même déclaré délicatement qu’elle avait dû elle-même « débouché des toilettes ». Sympa ! Etant en phase de conquête de 1971 à 1981, personne n’évoquait cela pour François Mitterrand. Mais c’est un grand tort de critiquer un Premier Secrétaire qui a conduit le Parti Socialiste pendant 11 ans. De 1971 à 2011, soit pendant quarante ans, ils ont été trois à le diriger pendant trente ans : Mitterrand, Jospin, Hollande. Les trois n’avaient jamais été ministres sous la Vème République à leur arrivée. Les dix autres années ont vu passer cinq Premiers Secrétaires, pour peu de temps à chaque fois, tous élus dans un climat de contentieux comme la dernière fois ou de conflits, tous anciens ministres sous la cinquième République. Sur les cinq, il y a même trois Premiers Ministres.

La compétition des primaires n’incite pas à la sagesse. Il en faudra pourtant chez les candidats en présence car ils ont vocation à se retrouver. Qu’au moins les arguments dont la droite se régale ne soient pas utilisés par les socialistes eux-mêmes.

Bernard Poignant

 PS.

L’Express de la semaine du 12 au 18 janvier 2011 a fait sa Une avec le titre suivant : « François Hollande : est-il à la hauteur ? ». Il est normal que les électeurs se posent cette question pour tous les candidats. Pour celles et ceux à qui elle n’est pas posée, c’est plutôt ennuyeux. Cela suppose qu’ils n’ont aucune chance d’accéder à la fonction. Il faut aussi la poser au Président sortant : « A-t-il été à la hauteur ? ». Il semblerait qu’en ce moment les Français répondent non.